jeudi 8 mai 2014

NOLI ME TANGERE (NE ME TOUCHE PAS) (4)


L’après-midi, en effet, il est abattu. Ça ne se voit pas. Je le sens. C’est dans le frémissement minuscule de ses rides. Avant, son regard vert, incrusté de limaille brun clair, était impavide. J’avais pris l’habitude de m’y raccrocher. D’y puiser mon opiniâtreté. 

Plus silencieux que jamais, en contre-plongée, Patrick m’observe, s’immobilise, et, soudain, s’écrie :

 Quand même, je pourrais être ton père ! 

Surprise, je le fixe. Sans un bruit. Ni un geste. Je cherche la réponse adéquate. Je traque le mot le plus beau. Tant pis, si ce n’est pas le plus juste. Tant pis, si ce n’est pas le plus vrai. Pourvu que ce soit le bon ! Vite !

― Eh, Monsieur ! Ta gueule ! On parle pas quand on baise ! 

       Ça y est, me voilà aguerrie ! J’ai fait mes classes et pris du galon ! Faut plus me contrarier.
       J’attends sa riposte. Allez, mon gradé décoré ! Réponds-moi : « Nom d’une pipe ! ». Comme deux gamins, on va rigoler !

J’attends.
Mais pas de réponse. Silence. Silence lourd. Je suis allée trop loin ! En panique, je rectifie :
― Tu sais, tu pourrais être mon frère ! J’ai un demi-frère de ton âge.
Voilà ! C’est ça ! Il a l’air rassuré. Il m’a attrapée, il doit me garder. Un moment, au moins. Le temps que je me consolide. Le temps que je reprenne mon envol. Dans la vie professionnelle. Et dans ma vie personnelle. Bon. Sans un mot, nous finissons notre affaire. Nous prenons notre douche. Le silence tolère à peine nos deux souffles. Court, de grand fumeur, pour lui. Court, de grande nerveuse, pour moi.

En fin d’après-midi, je reprends la route.
Quand même, je pourrais être ton père !
Passant au crible mental ses mots de ces jours derniers, dans le vrac des sextos dont il m’a bombardée, dans l’assaut des messages dont il a abusé, je nage. 

Soudain, une heure plus loin, quarante kilomètres trop tard, je comprends enfin. Patrick ne pense pas à moi. Ni à  notre différence d’âge. Il pense à lui. 

Je le connais. J’ai passé trop d’insomnies à lire les détails de sa vie. Noyées, impudiques et électroniques, quelques épaves me reviennent à l’esprit :

« Un sac Lancel, des boucles d’oreille avec diamants, un coffret de parfum Dior, un carré Hermès, une boîte de chocolats Fauchon, un manteau, une résa en GP pour l’Île Maurice. »
Mais aussi : « On a tout fait. 3 FIV et une ICSI. Échecs successifs. »
Quand même, je pourrais être ton père ! 

Les hommes, ça ne dit jamais trop rien. Pauvre Patrick ! Tu veux un enfant ? Tu  ne  trouves pas qu’il y a assez de petits malheureux sur cette terre ?

Zut ! Patrick n’est plus mon psy de fortune. Je lui rends la monnaie de sa pièce. Ce n’est pas ce que j’avais prévu. D’ailleurs, dans la vie, je n’ai jamais vraiment rien prévu. Finalement, c’est peut-être mieux ainsi. Lui aussi règle ses problèmes avec moi. Comme ça, on est quittes.  

Ah, Patrick ! Ton problème n’est pas le mien ! Le mien n’est pas le tien ! Bien au contraire ! Tu veux éclater au grand jour ! Prendre ta place dans la bienheureuse communauté des géniteurs. M’as-tu-vu(e), m’as-tu bien vu(e) ?
 
Moi je meurs d’envie de me cacher. De me faire toute petite. De me fondre, au plus vite, dans la masse rassurante et uniforme. Et de gagner ma vie. 

Mais alors ? Quel curieux hasard nous a réunis ? 

Le proverbe dit vrai : seules les montagnes ne se rencontrent jamais. Il n’y a rien à espérer de Patrick. Aux prochaines sélections de navigants, je fermerai ma bouche. J’irai seule, je ne dirai rien. Tant pis pour le soit-disant piston.

Pauvre Patrick ! Il me fait de la peine. Et j’ai trop d’amour à donner ! Trop. Si je le garde tout pour moi, je vais éclater ! 

Le bonheur n’existe pas. Ou alors si : dans l’espoir des gens crédules. En vrai, il n’y a pas de bonheur. Il n’y a que des fragments de plaisir. Avec, de temps en temps, un frisson. Une caresse dans le kairos, dans l’éclat du moment opportun. Il n’y a que des fragments de plaisir, kaléidoscopiques, jonchant ça et là les chemins de traverse de l’existence. 

Le trajet retour me jette dans une profonde méditation. Dernier feu rouge avant la maison. Je serre le volant. Je prie. Mon Dieu, si Tu existes, pardonne-moi ! Je vis dans le péché. Mais que veux-Tu ? Ce qui compte, c’est rendre son prochain heureux, sans faire trop souffrir personne ! Non ? La fin ne justifie-t-elle pas les moyens ? 

Alors, si je me noie dans la marée des corps, si je m’égare dans la forêt des hommes, et si, finalement, je saute, bardée d’armes, dans mon désert d’ennui, je T’en prie, rattrape-moi ! N’oublie pas Ta brebis égarée. Mais pour l’instant, laisse-moi cueillir quelques instants de douceur !

Arrivée sous les arbres, je coupe le moteur. L’hiver se meurt. Sur les branches, les bourgeons pointent. Dans des chambres, je m’effeuille. Brûlante du plaisir de faire plaisir, j’appartiens à l’espèce des chiens. Oui, je suis une chienne, dans l’éternel recommencement pavlovien.

Mais il faudra bien, à un moment donné, m’en aller. Quitter Patrick et les autres. Cesser de jouer le rôle attribué. Lâcher la perche ! Vite ! Le téléski théâtral va bientôt fermer.
 (fin du chapitre 1 de Sinusoïdes)

mardi 6 mai 2014

NOLI ME TANGERE (NE ME TOUCHE PAS) (3)

[Février 2004, maintenant].PAUMÉE.  

Mais le loup qui m’approche est un vieux briscard. Il ne va pas mourir. Il verra le soir ! Il savoure l’ivresse des lenteurs, en connaisseur. Il fait l’amour. Même lors d’un simple plan-cul. Même s’il me traite de « phénomène ». Même s’il me nomme « sauvageonne ». Pas client du fast-foutre. Non. Fine gueule, plutôt !

Il a pin’s à la boutonnière. Je crois que c’est un ancien militaire. Il raffole des décorations, des insignes, des récompenses, des distinctions. 

«  C’est gamin », pensé-je, reprenant à mon compte, les réflexions du Docteur Valérie. Elle qualifie ainsi mes pérégrinations érotiques du moment.

Tiens, l’épinglette de Patrick me rappelle Sabrina, enfant. 

[1986] Elle a trois ans. Elle m’a volé des autocollants. C’est un cadeau de l’école, la planche d’autocollants. Pour Sabrina, c’est un vrai trésor. Elle me l’a volé. Mais il faut être raisonnable. Garder une valeur intérieure : la sagesse. 

Pour le croyant, la sagesse n’est pas une arnaque. Elle ne se voit pas, ne s’échange pas, ne se marchande pas. Elle se tait. La sagesse est un secret dont il faut protéger les autres. Avec la sagesse, les autocollants, même quand on n’a que sept ans, on s’en moque !

Oui, on s’en moque, des autocollants ! Enfin, presque. Bébé Sabrina les a collés en vrac. Maladroitement. Tantôt l’un sur l’autre,  tantôt froissés ou déchirés, sur son lit aux barreaux de bois. Les larmes aux yeux, en proie au désarroi, j’examine le gâchis de mes récompenses.

― Sofia, sois raisonnable, c’est ta petite sœur !
― Mais Maman, c’est la maîtresse qui me les a donnés!
― Et alors ? C’est ta petite sœur, tu vois bien que ça lui fait plaisir ! Allez t’es une grande fille, t’as pas besoin de ça ! Sois raisonnable ! »

[Février 2004, maintenant]. PAUMÉE. 

Alors je regarde Patrick. Ses galons ? Son argent ? Je m’en fiche éperdument ! Ils pourriront. Bien avant la fin des temps ! À l’aune de la sagesse, ce ne sont que des grains de sable. Ou de la boue. Dans l’avenir, ils n’existent pas ! 

 Ce qui existe, ce sont les mots que tu mets sur les situations. Les mots que tu poses sur les personnes, pour les juger. Les mots qui protègent ton ego. C’est le super sarcophage de Tchernobyl. Il t’évite de péter les plombs. Il t’empêche de retourner à l’hôpital ! Entre nous, deux fois, ça suffit ! C’est vrai, ça ! Pense aux autres, un peu ! Regarde Patrick ! Accepte la vanité. La lenteur de la pensée. L’indolence de la sensibilité !

Donne-lui ton corps, s’il le veut, tu vois bien que ça lui fait plaisir ! Allez t’es une grande fille ! Sois raisonnable 

Un jour peut-être, tu en seras récompensée. Donne-le lui, ce jouet, puisque toi, tu as appris à t’en foutre !
D’accord. Mais quand même ! Qu’est-ce que je fous là, dans les bras de ce type, pas cérébral pour deux sous ? 

[1997, 1998, 1999] Il n’y a pas si longtemps, j’étudiais la philosophie. Je croyais ferme aux dialogues des Grecs antiques. À la force des idées, solidement érigées. Aux préliminaires de d’Alembert. À la caresse d’un Lituanien naturalisé. À la vigueur d’une démonstration à l’allemande. Aux saccades intellectuelles. À l’enchevêtrement des arguments. Au jaillissement du raisonnement. Mais tous ces ébats, toute cette agitation, toutes ces éjaculations n’avaient lieu que dans la tête.

Or, dans la course aux diplômes, j’ai déclaré forfait. Depuis, je ne pense plus qu’avec mon corps.
Mais les intellectuelles ont-elles une vraie enveloppe charnelle ? Ne jouissent-elles pas de leur seule cervelle ? Pour sûr, les Idées sont belles. Lentement, vers elles, les étudiantes entreprennent un douloureux périple. Entre quatre et sept heures du mat’, elles délaissent leurs draps intacts. Elles s’arment de courage. Le stylo au contact des pages, elles s’aventurent dans les dédales mystérieux, s’égarent dans  les méandres et les recoins dangereux … d’une dissertation. Dissertation qui n’aura pour lecteur captif que le seul professeur. Le reste de l’humanité n’en aura rien à branler.

[Février 2004, maintenant].PAUMÉE. Patrick se flanque devant la télévision : les cours de la bourse, un fait divers non élucidé, un épisode de Derrick …

Peu importe. Il y trouve du plaisir, de l’attraction.
 
Le visage impassible, il me cale contre lui, dans le lit. Nous matons la télé. Du bout des doigts, il parcourt une arête sinueuse de ma peau. Il reste un peu avec moi. J’aime ça. Je suis une enfant : je réclame ses bras.

A la dérobée, je regarde le pin’s à sa boutonnière. Pff ! Si ça se trouve, c’est un faux. Et Patrick ? Un tocard !

Mais non ! Son épinglette, c’est la reconnaissance des ses pairs. Pff ! En guise de paires, moi, je n’ai qu’yeux, oreilles, narines, lèvres. Pieds, mains, seins. Fesses, bras, jambes. Lorsque j’habite mon corps. Ça m’arrive. Dans des chambres. Des chambres d’hôpital. Ou des chambres d’hôtel.
Avec ou sans Patrick.

Patrick ! De sa femme, j’ignore le prénom. Mais j’en retiens moult détails. Il me parle souvent d’elle, sur le net. Et des cadeaux dont il la couvre, comme à Noël : 

       «  Un sac Lancel, des boucles d’oreille avec diamants, un coffret de parfum Dior, un carré Hermès, une boîte de chocolats Fauchon, un manteau, un voyage à l’Île Maurice.»

Sa soif de luxe me sidère. Ce n’est que ça, la vie ? Comme c’est décevant ! Ce mec a acheté sa femme. C’est évident. Il a investi. Patrick est un prédateur. Il traque le meilleur. Patrick est un consommateur. Il l’a dégottée à la caisse du supermarché. Très bon rapport qualité/prix. Belle. Sinon, rien. Brune. Comme moi. Méridionale. Comme lui. Âge : entre le sien et le mien. C’est certain : Patrick est un connaisseur. 

Leur maison, il l’a aménagée de ses propres mains. Après tant de virées chez Leroy Merlin ! Qu’est-ce qu’il a bataillé ! Qu’est-ce qu’il a vadrouillé, entre les rayons qui montent jusqu’au plafond ! Et comme il a fureté, parmi les boîtes d’embouts de toutes formes ! Et comme il a patrouillé ! Il a trouvé la perceuse-visseuse la plus performante du marché ! Il a profité de la promo sur les défonceuses. Il a assuré. C’est de son âge, le bricolage !

Mais qu’est-ce que je me raconte ? Qui suis-je, pour juger les autres ? Ce sont eux qui ont raison ! C’est moi qui ai tort. Eux…

Sa femme. C’est la plus belle. C’est la plus forte. Mais je l’envoie au tapis. Comme dirait Patrick :
― « Casse-couilles » égale « bonne au lit »

Bonjour, la vulgarité ! C’est sûrement une carapace. Vocabulaire de couillu. Une carapace, du vocabulaire… Ah ! Il me les faut ! Venez à moi, petits vocables-soldats, bataillons épars et transfuges ! Venez remplumer les rangs de ma brigade mentale ! 

(à suivre)

samedi 3 mai 2014

NOLI ME TANGERE (NE ME TOUCHE PAS) (2)

[Février 2004].PAUMÉE.

―Toc! Toc-toc-toc ! Toc-toc !
On frappe. L’homme est là. Le sablier de la vie se retourne. J’entrouvre la porte, et son regard me déshabille.

       Au garde-à-vous, mes seins se fixent. Ils s’enchâssent dans le satin de polyester, et du marché de Trappes. Reflets. Pupilles embrasées. L’histoire est prête à se répéter. Dans le couloir de l’hôtel, l’homme est là.
Encore un qui mangera froid ! Tant pis pour lui !
 J’ouvre. Je reste debout. Sans cette minuscule pointe au cœur, je n’aurais pas peur. L’homme est là. Je soutiens son regard. Deux longues secondes. Ça lui plaît. Je prends sa commande. 

Comme je lis l’heure, à seize heures trente, je songe:
« Mon corps vivant est ouvert ! ». 

Lui me contemple et s’écrie :
Wa-hou !
L’homme. Un homme dont je ne voulais pas. Plutôt laid. Frugal de tendresse, avare de paroles.

― Hello ! ―Coucou ! ― Bravo ! ― Wahou !― Hum !―Aïe !― Debout !― Super !― Miam-miam !― Stop !― Zou !― Encore !― Chut !

 Deux syllabes, pas plus ! Les mots compromettent ! L’homme le sait. Alors, il se tait. Me regarde trop intensément. Et m’invite au silence. Si par malheur j’ouvre la bouche sans tutoyer le pontife, c’est sûr : je bousille son plaisir. Mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de dire les choses. Et ça l’énerve :

― Avec toi, c’est bien, sauf quand tu parles ! 

 Le plus souvent, il prend sur lui. Il soupire à peine, écoute la litanie de mes inquiétudes. Rompu aux ordres, il patiente. Il me rassure. Parfois, il lance un coup de gueule. Mais c’est rare. Allez, assez causé ! Action !

Une turlute ? En mode pute ? Une minute ! Je m’exécute ! À vos ordres, mon colonel !

― C’est divin !
― C’est parce que je suis tombée du ciel !

 Agenouillée, mes yeux dans les siens, je jauge la dilatation de ses pupilles. Mydriase. Extase. Épectase. Va-t-il clamser dans mes bras ? 

Sa main ferme agrippe mes cheveux. Dans ma tête résonne la voix mâle de mon historien de prof. L’érudit s’adresse à son parterre d’étudiantes en décolleté. 

[Septembre 1997]
 Félix Faure est quand même mort dans les bras de sa maîtresse ! 

Quel frimeur, celui-là ! Quel orateur ! Je l’écoute, distraite. Pas vraiment émoustillée. Plutôt cachée. De la lettreuse, je n’ai que les longs cheveux et la silhouette filiforme. Je suis une rebelle romantique. Dans un blouson de cuir noir. Et dans un jean. Une intellectuelle de grande banlieue, à l’assaut de la capitale. Pas une piste !

Un soleil de fin d’été pénètre la salle de sa lumière crue. Nous sommes, jeunes femmes, jeunes hommes, bras et jambes nus. Quels rayons frappent nos cerveaux encore neufs ! Jamais je n’ai compris le soleil, à Paris. Il est si éclatant, à l’intérieur des bâtiments ! Mais il se meurt dans les rues étriquées et salies. Pourtant, à en croire la science, c’est le même soleil qu’en banlieue.

La grande salle blanche n’est plus de ce siècle. Elle ne lutte plus. Se laisse inonder par la lumière franche. L’atmosphère studieuse est en surchauffe. Dans la capitale, les dernières températures estivales sont violentes. Mais c’est qu’on étouffe, là-dedans ! La chaleur nous déconcentre. Chez moi, elle s’évaporait à longueur de champs de blé. Il y a quelques jours à peine, chevauchant mon VTT, je quittais ma cité. Je partais, le cœur léger, batifoler dans les hautes herbes. 

Qu’elle est loin, ma campagne ! Hier, en sortant de la bibliothèque, j’ai fondu en larmes. A cause du Panthéon. Sa façade imposante le trahit. C’est un réceptacle géant. Il emprisonne le soleil !

Pas étonnant ! Ici, on manque de prairies et de champs. Cruellement. Les immeubles nous ont volé la lumière.

Pin-pon ! Pin-pon ! Pin-pon ! Pin-pon !

Le deux-tons d’une sirène déchire l’atmosphère chaude et claire. Le prof interrompt son discours. Le parterre de midinettes reste suspendu à ses lèvres.
Nous sommes dans la grande ville. Pas chez ma mère. Les vitres tremblent. Je tressaille. Mince ! La police ! Elle m’a repérée ! Elle a compris. Je ne suis pas d’ici. Elle vient me cueillir. Parce que je n’écoute pas le prof. Parce que je repense aux hautes herbes. Mon blouson m’a trahie. Je suis une racaille. Le soleil est en prison. On vient m’arrêter.

 Puis le silence retombe. Le prof reprend, dans un sourire :
Félix Faure est quand même mort dans les bras de sa maîtresse ! 

(A suivre)